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Il faut penser le temps de manière nouvelle. Dans notre système éducatif, la quantité prime sur la qualité, et la rapidité, doublée de superficialité, exclut l'approfondissement. Retrouver le temps juste (le temps des événements) doit être un objectif pour tous les professionnels de l'éducation.
Revendiquer la lenteur dans l'éducation, ralentir le processus à l'école, mettre l'accent sur l'événement proprement dit et pas seulement sur l'emploi du temps scolaire, relèvent davantage d'une attitude ou d'une manière de faire au quotidien que d'un projet hautement révolutionnaire.
— Joan Domènech Francesch dans "Éloge de l'éducation lente"
- Un des grands principes, un des facteurs de réussite, c'est le rapport au temps. L'unité de mesure ne devrait pas être l'année scolaire, ses trimestres et ses périodes traditionnelles mais l'ensemble de la scolarité primaire.
- Chaque enseignant doit maîtriser parfaitement les objectifs de fin du cycle 3 car c'est à cette seule condition qu'il pourra gérer de manière efficace son enseignement. Il est tout à fait possible de faire de la grammaire avec un enfant de 4 ans, encore faut-il être soi-même au point sur les contenus de base. Les situations de la vie nous offrent quotidiennement des occasions de jouer avec les pronoms, les sujets et une grande partie des notions grammaticales enseignées à l'école primaire. L'enfant, habitué tôt à côtoyer cette forme de pensée passera plus facilement et plus naturellement au stade de l'abstraction au CM.
- Une donnée essentielle : offrir du temps aux enfants, en « perdre » au début ou avoir l'impression d'en perdre pour en gagner après.
- Les apprentissages ne peuvent s'inscrire que dans une perspective de durée.
Comment apprenons-nous ?
De nombreux mystères restent encore à percer dans ce domaine. Un enfant ne se construit pas de façon linéaire. Son « achèvement » est l’aboutissement d’un processus long et complexe.- L'acte d'apprentissage est d'abord individuel et suppose une recherche et une compréhension de sa propre démarche pour mieux cerner le cheminement à adopter. L'adulte accompagne cette quête. Un apprentissage efficace à long terme ne peut pas être subi passivement. Il doit y avoir échange, participation, réflexion et action.
L'acte d'apprendre ne se décrète pas.
Peut-être faudrait-il rajouter le verbe « apprendre » ! On ne peut pas imposer la culture, on la propose.Le verbe lire ne supporte pas l'impératif. Aversion qu'il partage avec quelques autres : le verbe « aimer »...le verbe « rêver».
— Daniel Pennac
Le vrai défi pédagogique, c'est de déclencher l'envie qui poussera l'enfant à se dépasser.
- Le discours n’est pas toujours efficace pour l’appropriation du savoir. Apprendre, ce n'est pas seulement écouter une leçon et la recopier. Cette seule phase n'a pour unique mérite que de donner « bonne conscience » à l'enseignant qui pourra ainsi se targuer d'avoir bouclé son précieux programme. Apprendre durablement, ce n'est pas ce vernis-là, c'est plutôt un savant dosage d'ingrédients divers, mal connus et pas toujours palpables. Apprendre, c'est écouter et suivre une leçon à un certain moment, c'est parfois même beaucoup de répétitions. Mais apprendre, c'est aussi lire, parler, dire, redire, voir, revoir, entendre, réentendre, s'imprégner d'une atmosphère, d'une ambiance, d'un lieu. C'est aller à la rencontre de gens inspirants. C'est discuter, échanger, débattre, critiquer, coopérer, créer, inventer, expérimenter, prendre des initiatives, proposer de nouvelles idées .... être curieux du monde qui nous entoure. C'est oser...
Apprendre, c'est du travail, des efforts, du découragement, des déceptions et la démarche n'est pas toujours ludique. Mais quelle joie de parvenir à se surpasser, de découvrir son potentiel et de le faire éclore ! - Mon expérience me conduit à différencier 3 phases dans le processus d’apprentissage.
- L’imprégnation : Moment le plus complexe car difficile à structurer et peu reconnu (acquisition du langage chez le tout petit grâce à un véritable bain d’oral). L’imprégnation, c’est…lire, écouter, découvrir, chercher, échanger, débattre, expérimenter, tâtonner, s’exprimer, imiter, communiquer, expliquer aux autres, se faire aider, aider, se corriger seul, réinvestir, faire des erreurs (réhabilitation de l’erreur qui n’est pas synonyme d’échec), jouer, …vivre…être curieux et actif. C’est un bain quotidien de culture, d'ouverture et d'expériences. Même si l’enfant ne maîtrise pas, il apprivoise progressivement le savoir pour un jour se l’approprier. Un environnement « enrichi », c’est-à-dire intéressant, varié et stimulant joue un rôle moteur dans le développement de l’enfant. Cette phase n’est pas l’exclusivité de l’école et trouve tout son sens dans le cadre privilégié de la famille.
- La structuration des apprentissages : Phase habituellement confiée à l'école. On parle ainsi de techniques d'apprentissage et de pédagogie. Après un long « cheminement mental », l’enfant est prêt à « recevoir » (on peut dire « digérer ») un savoir. C’est le temps dédié spécifiquement aux apprentissages.
On met en place des notions. C’est le stade d’un début de maîtrise, parfois encore fragile. Tenir compte des stades d’évolution : suivant l’âge d’un enfant, ses structures mentales ne lui permettent pas d’intégrer certaines opérations de la pensée. Cela est vrai même si les apparences font croire le contraire. - L’entretien des connaissances : Périodes de rappel, de réinvestissement en changeant le contexte. Il est important de réactiver sans cesse les connaissances pour permettre à l’enfant de les intégrer durablement mais aussi de les dépasser pour aller toujours plus loin.
- L'acte d'apprentissage est tellement difficile à cerner qu’il faut accepter différentes approches. Il n’y a pas une bonne méthode, il y a des pistes à privilégier, à découvrir et certainement à inventer. Même si le domaine des neurosciences contribue à une meilleure compréhension des processus d'apprentissage, notre connaissance du fonctionnement du cerveau reste incomplète. Conserver une grande capacité d’ouverture reste une des exigences premières dans le domaine de la pédagogie. Ce n’est pas toujours facile car il faut tenir compte du cadre scolaire imposé, des exigences de l’Institution et de nos propres limites..
Un environnement enrichi
Afin de favoriser la phase d'imprégnation, il faut créer un environnement riche, un bain culturel.
C'est à l'adulte pédagogue de préparer le terrain, le milieu et d'imaginer les conditions favorables à l'émergence des talents de chacun. L'éducateur est un jardinier, il doit choisir la meilleure terre pour que la plante puisse s'épanouir pleinement.L'excellence académique
L'urgence est de renouer avec l'excellence académique et humaine dont l'éducation à la française a été capable par le passé et encore aujourd'hui en certains établissements publics comme privés. Pas de continuer à instrumentaliser l'école pour faire des expériences sur nos enfants et prétendre assurer une transformation politique du corps social à travers l'école.
— Anne Coffinier
Cessons de dénaturer le savoir sous prétexte de le rendre plus accessible.
Par exemple, la grammaire, c'est de la grammaire. On ne va pas obligatoirement trouver un jeu (décliné sous de multiples formes) pour faire passer le côté rébarbatif de cette discipline, mais l'aborder en tant que telle. Le côté très artificiel de certains « dispositifs » pédagogiques entravent parfois les apprentissages et les stratagèmes d'adulte tendent à sous-estimer les facultés de compréhension de l'enfant.
Cela peut tout à fait devenir un plaisir. Attention à ne pas privilégier le support au détriment du contenu car une telle approche induit souvent des apprentissages de surface, non structurés et donc non durables.
Apprendre peut tout à fait devenir un plaisir. Faisons le parallèle avec les sportifs ou les musiciens qui avant de se produire en concert ou en match doivent s'adonner à de nombreuses séances d'entraînement et de répétitions. Mais la fierté, le bonheur immense ressenti et ce sentiment d'accomplissement lorsque les objectifs sont atteints contribuent grandement à renforcer l'estime de soi et la confiance en son propre potentiel.Commencer tôt
Il est plus facile de construire des enfants solides, que de réparer des adultes brisés.
— Frédérik Douglass
Les jeunes enfants sont réceptifs et ont soif d'apprendre. Ils ne sont pas encore formatés. Leur plasticité neuronale est extraordinaire et peut intégrer un nombre incroyable d'informations. C'est à cet âge qu'ils forment leur cerveau, leurs pensées, leurs valeurs. Si on sait interpeller les enfants assez tôt en passant par l'oral, le langage, sans rendre le savoir « scolaire » (au sens cadre balisé, norme, standards d'apprentissage), si on sait les guider, les nourrir, les alimenter... le travail du cycle 3 est largement facilité et le passage aux apprentissages plus scolaires se fait en douceur. A condition de maintenir la flamme.
L'enthousiasme
Tous les neurobiologistes vous le diront : le cerveau se développe là où on l'utilise avec de l'enthousiasme, véritable engrais neurologique. Tout ce qui s'apprend dans un acte d'enthousiasme s'inscrit en nous à tout jamais.
— André Stern, fils de Arno Stern, chercheur et pédagogue
L'affectivité...
Elle représente un paramètre essentiel dans le processus d'apprentissage.
Un milieu sécurisant pour l’enfant, dans lequel il ne se sent ni jugé ni humilié, est une condition indispensable à la réussite. Il faut se sentir bien dans n’importe quel lieu qui nous accapare 6 à 8 heures par jour.Le rôle de l'adulte
- L'adulte doit se réapproprier son rôle de tuteur. Il est l'instituteur. L'enfant a besoin d’un cadre, de règles établies non discutables. C’est le rôle de l’adulte de poser ce cadre et d’assumer cette fonction d’autorité qui « sécurise » l’enfant. Il est garant du cadre.
- « Éclairer le chemin sans tracer la route »
Il accompagne et aide l'enfant à trouver ses propres aspirations. Il est plein d'espoir et d'humanité. Il insuffle un élan vital. - Autrefois, l’enfant allait à l’école pour apprendre quelque chose. Aujourd'hui, les multiples sollicitations de la vie moderne et de ses technologies lui apportent des connaissances et des informations qui l’encombrent plus qu’elles ne l’instruisent. L’école doit aider à comprendre, à assimiler, à utiliser, à classer cet apport souvent chaotique. L’enseignant ne peut plus être seulement celui qui apporte un savoir mais celui qui met en place des formes et des moyens de travail qui permettront à chaque enfant d’aller le plus loin possible dans la construction de son savoir qui sera réellement intégré et pas seulement plaqué en surface.
Sortir de notre vision binaire
Cessons d'opposer des concepts en les prenant pour vérité établie : le privé au public, l'autorité au laxisme, le travail au jeu, les approches scolaires aux approches alternatives, les anciennes méthodes aux nouvelles méthodes... La querelle des Anciens et des Modernes n'a pas sa place dans le monde de l'éducation.
« Il faut puiser dans le passé pour inspirer l'avenir ».Tout est question de contexte, de dosage, d'objectifs et d'intuition. En cela, éduquer et accompagner un enfant est un art.
Une bonne dose de philosophie (ou de bon sens)
Il est vain de croire que tout se passe de façon linéaire et prévisible :
La perfection et les certitudes n’ont plus vraiment leur place en matière d’éducation et de pédagogie. Beaucoup de doutes, de remises en questions, de patience, de redites, d’attentes, de mises au point et de découragement pour accompagner ces enfants durant leur scolarité primaire. Il faut accepter l’imperfection et les obstacles pour être en mesure de les dépasser.
Faire confiance aux enfants, leur laisser la possibilité de montrer leur énergie positive.
Savoir être soi-même positif mais ferme et réaliste. Il faut parfois savoir se détendre devant un enfant et relativiser.
- Surtout ne pas laisser croire que tous les enfants ou adultes sont égaux : Nous sommes dans un système égalitariste qui trompe parents et enfants. Par contre, chacun a les mêmes droits dont celui de pouvoir être accompagné pour exploiter au mieux son potentiel.
- Ne pas tout attendre de l’Institution École qui a ses limites : Rester conscient du lien indispensable qui doit maintenir parents et enseignants dans la même dynamique. Acceptation réciproque des forces mais aussi des faiblesses de chacune des parties (respect).
La classe
Orientations
- Sens de la responsabilité et donc de l’autonomie : Gestion individuelle d’une partie du travail (fichiers de travail), autocorrection (très rapide prise en charge), gestion du fonctionnement de classe…
- Sens coopératif : Parrainage (« C’est en expliquant qu’on comprend » disait Bachelard) et entraide constante. Selon son niveau de compétence, l’enfant est « professeur » ou « élève » d’un de ses pairs.
- Expression et créativité : Textes, idées, arts, démarches d’apprentissage…
- Communication : Présentation à la classe de différents travaux (poésies, idées, comptes-rendus, points de vue, revues de presse, livres…). Travail qui favorise l’esprit critique et aide les enfants à approfondir leur pensée personnelle sans se plier à une norme établie.
- Vie sociale : Apprentissage d’une attitude citoyenne (régulation des conflits, lieu de parole), respect des règles mais aussi des autres. Il faut aider les enfants à inventer la société dans laquelle ils veulent vivre.
On peut agir sans toujours subir. - Gros travail de connaissance de soi : Apprendre à s’aimer, à ne pas se dévaloriser, à connaître et reconnaître ses limites, à manipuler la critique constructive envers soi-même et les autres. Chaque enfant possède une personnalité et des compétences qui lui sont propres avec des forces et des faiblesses. Celles-ci doivent être intégrées et apprivoisées.
- Travail permanent de la démarche d’apprentissage : Poser les questions qui vont nous aider à être efficace. Temps important consacré à l’acquisition de savoir-faire méthodologiques.
L'intelligence, ce n'est pas ce que l'on sait, c'est ce que l'on fait quand on ne sait pas.
— Piaget
- Amour de la vérité : Toujours dire les choses, ne pas tricher avec les autres mais également avec soi-même !!!
- Attitude ferme, bienveillante, beaucoup d’exigence et de rigueur : Les valeurs « travail » et « persévérance » sont au centre des démarches. Les apprentissages ne peuvent se construire dans un seul contexte ludique. Un investissement personnel et des efforts réguliers sont indispensables.
Gestion de l’hétérogénéité...
Elle est de plus en plus difficile au quotidien. Des enfants différents : rythme, motivation, rapport à l'école différents, pathologies diverses... Mais il faut des stratégies qui permettent à chacun d'avancer et d'exploiter au mieux chaque potentiel.
- Gestion individuelle et personnalisée d'une partie du travail : fichiers, plan de travail (sur l'année, sur ½ journée ou une séance) en autocorrection (l'autocorrection représente un temps fort des apprentissages), fiche d'activités diverses pour apprendre à gérer un temps disponible.
- Groupes de besoins organisés ponctuellement ou sur des moments précis, dans un domaine général ou particulier. Une bonne maîtrise du travail en autonomie par les enfants permet à l'adulte de se consacrer à ces petits groupes à besoins particuliers.
- Parrainage et entraide au quotidien contribuent énormément au maintien de chaque enfant au sein du groupe classe.
- Connaissance de soi : apprendre à reconnaître et à accepter ses forces mais aussi ses limites autorise l'enfant à mettre en place son propre parcours indépendamment des autres.
- Travail constant sur les démarches d'apprentissage, quelles stratégies mettre en place pour être efficace ?
- Les exigences peuvent différer d'un enfant à l'autre en fonction des difficultés de chacun (niveau de difficulté des exercices, longueur des exercices, importance de l'aide apportée, support de travail...).
- Optimisation de l'espace.
- Entretiens individualisés.
RIGUEUR, TRAVAIL, HUMOUR, PLAISIR ET BONNE HUMEUR…
Mon action pédagogique est guidée par la volonté d’instaurer au quotidien cette philosophie de l’éducation et de l’accès aux apprentissages.
La question n'est pas avec quelle méthode mais plutôt dans quel environnement et avec quelle posture ?